Jean Cuenat, professeur de mathématiques spéciales: les maths, c’est beau.

J’ai eu la chance d’avoir M. Cuenat comme prof de maths en M’ en 1974/75 et 75/76.

Eh oui j’ai été 5/2, et donc j’ai eu la chance, non anticipée, de l’avoir 2 ans comme prof, et de passer au tableau souvent en 2ème année, pour « faire le cours » aux 3/2. C’était une excellente initiative de la part de M. Cuenat, très formatrice pour les 5/2. S’il avait eu la gentillesse de nous le dire avant les cours nous aurions mieux préparé, mais cela nous mettait une pointe de pression et nous forçait à ne pas arriver en cours les mains dans les poches !..

M. Cuenat m’a beaucoup marqué, je m’en souviens encore et j’en ai souvent parlé à mes enfants. Sans notes, avec une diction extrêmement précise, une écriture parfaite au tableau, il valorisait les maths comme une science pure, superbe, qui confinait au sacré.

Il était extrêmement impliqué dans le fait que nous intégrions tous la meilleure école possible. Je me souviens ainsi de sa colère lorsqu’il avait appris en juin 1975, en 3/2, que la majorité des élèves étaient partis au milieu de la première épreuve de mécanique du concours de l’X, jugée infaisable (une sombre histoire de train d’atterrissage). Il était furieux, nous avait passé un savon mémorable, insistant sur le fait que c’était un concours, donc dur pour tout le monde, etc. Il avait raison bien sûr, et il voulait surtout que nous réussissions tous.

Mais mon souvenir le plus fort de lui a trait aux grand théorèmes (genre Borel Lebesgue ou Bolzano Weierstrass). Il démarrait le cours tout en haut à gauche des tableaux, et déroulait la démonstration avec sa diction limpide. A la fin, comme par miracle, il était arrivé tout en bas à droite du troisième tableau. Alors il jetait la craie dans la petite rigole sous le tableau, allait au fond de la classe en souriant, et contemplait son œuvre, les 3 tableaux emplis de son écriture fine, et s’écriait en nous regardant d’un air goguenard: « ça, c’est des maths! ».

Par là il voulait dire que c’était beau. Je ne l’ai compris que plus tard, ayant eu la chance d’avoir Attali comme prof à l’X, qui démarrait son cours de politique économique par « les 3 sens du Vrai », le Vrai, l’Utile et le Beau. J’ai alors compris que Jean Cuenat s’occupait du Beau, sa mission n’était pas seulement de nous transmettre des connaissances, mais de nous convaincre que les maths c’est beau.

C’était un grand professeur, et je ne l’oublierai jamais.

François Momboisse, en prépa à Hoche de 1973 à 1976

 
 
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