Conférence au lycée Hoche de Frédéric DAIGNE, astrophysicien, professeur à l’Université Pierre et Marie Curie et à l’École Polytechnique, ancien élève de Hoche

 

 

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A propos de Frédéric Daigne :

Après ses études à l’X (1992) qu’il a intégré via les classes préparatoires du Lycée Hoche (HX3 et XP’ – 1990-1992), il a fait sa thèse a l’IAP sous la direction de Robert MOCHKOVITCH sur les sursauts gamma, sujet dont il est devenu un des grands spécialistes. Après sa thèse, soutenue en 1999, Frédéric a fait deux « postdocs », l’un au Max-Planck Institut für Astrophysik (MPA) à Garching en Allemagne, l’autre au service d’astrophysique du CEA à Saclay. Il a ensuite été recruté comme maître de conférences en 2002, puis élu professeur en 2011.
Frédéric DAIGNE a reçu plusieurs récompenses pour ses travaux, notamment la médaille de bronze du CNRS et une nomination comme membre junior de l’Institut Universitaire de France.
En savoir plus sur Frédéric DAIGNE : http://www2.iap.fr/users/daigne/FD_IAP/Home.html
Frédéric DAIGNE nous a présenté un bel exposé superbement illustré de photos et d’aides pédagogiques.

Compte rendu de la conférence : les sursauts gamma, explosions d’étoiles aux confins de l’univers

L’assistance, très dense sur les bancs de l’amphithéâtre, réunissait des dizaines d’anciens professeurs et anciens élèves, et plus encore d’élèves des prépas ; nous avons tous été captivés.
L’astronomie est la science de l’observation au-delà de l’atmosphère et l’astrophysique lui donne comme cadre d’interprétation les lois de la physique (depuis Galilée et Newton). L’Institut d’Astrophysique de Paris est l’un des principaux laboratoires français de la discipline. Il a été fondé par Jean Perrin sous le Front Populaire, lors de la création du CNRS. Il travaille en bonne entente avec son grand voisin, l’Observatoire de Paris, où l’astronomie moderne a démarré en France sous Louis XIV. Les collaborations internationales sont très nombreuses dans cette discipline, en particulier à travers les projets instrumentaux au sol ou dans l’espace.

1. Le contexte des sursauts gamma

Le Soleil est alimenté par la fusion nucléaire de son hydrogène en hélium, produisant de l’énergie lumineuse et thermique, et des neutrinos qu’on intercepte difficilement sur Terre. Dans environ cinq milliards d’années, tout l’hydrogène du cœur aura été consommé et le Soleil deviendra une géante rouge, qui brûlera cette fois son hélium. Ensuite, son cœurse contractera pour devenir une naine blanche(en atteignant alors une densité considérable) et l’enveloppe sera expulsée pour devenir une nébuleuse. Les étoiles plus massives que le Soleil connaissent la même évolution initiale mais passent par un plus grand nombre d’épisodes de fusion nucléaire, aboutissant à un cœur de fer qui s’effondre en étoile à neutrons ou trou noir, et à l’explosion de l’enveloppe qui apparaît alors comme une supernova.
Dans l’ensemble de l’univers, les radiations émises comprennent non seulement la lumière visible,mais aussi à toutes les longueurs d’onde, dont les rayons gamma et X, beaucoup plus énergétiques ; on les observe au moyen de satellites. Ces derniers nous donnent des images (échappant à notre vision naturelle, fût-elle fortement amplifiée) de leur source et de tout ce qu’ils ont traversé (tout comme les rayons X révélèrent en 1 895 les os de la main de Mme Roentgen) : ainsi, la vision en rayons gamma du ciel, que Frédéric nous a projetée, diffère-t-elle spectaculairement de nos observations courantes. Elle met notamment en évidence l’existence de particules ultra-relativistes dans la Galaxie, via leurs collisions sur la matière au repos du milieu interstellaire.

2. Que sont les sursauts gamma ?

Ils ont été mis en évidence à partir de 1967, par un effet très paradoxal du Traité de Non-Prolifération nucléaire signé en 1962 par les grandes puissances pour interdire les essais nucléaires : dans la surveillance du respect de ces interdictions par les satellites du programme VELA, effectuée par les USA à Los Alamos, des flashs de rayons gamma furent détectés qui manifestement ne provenaient pas d’essais clandestins, mais de sources extérieures ; ils étaient caractérisés par des durées de quelques secondes, et par l’intensité de leur signal qui passait par un pic très bref (le « sursaut »)très marqué (de 5 à 10 fois les intensités hors pic).
Un premier article scientifique a lancé en 1973 la recherche mondiale sur l’origine de ces sursauts gamma, initialement très difficiles à localiser, et les repérages ont assez vite progressé grâce aux techniques d’observations simultanées multiples(faites à bord de satellites régulièrement perfectionnés) et de triangulation de leurs résultats. La question fondamentale a été de déterminer à quelle distance de la terre se produisent les sursauts. La technique du masque codé (qui analyse l’ombre plus que le contenu du signal lui-même) a perfectionné celle de la triangulation initiale, en améliorant la précision : les sursauts gamma se produisent à ces distances cosmologiques (c’est-à-dire à des milliards d’années-lumière), et sont les phénomènes les plus brillants dans l’Univers. Il est aussi apparu qu’ils sont associés à la formation d’un trou noir entouré d’un disque d’accrétion, après l’effondrement gravitationnel d’une étoile massive ou la coalescence de deux étoiles à neutrons (un trou noir est une région de l’espace où la gravité est tellement forte que même la lumière ne peut s’échapper). C’est l’une des prédictions les plus étonnantes de la théorie moderne de la gravitation, la relativité générale d’Einstein (1915). L’émission produite est due à un jet ultra-relativiste émis par la source nouvellement formée. De tels phénomènes exotiques (trous noirs, jets relativistes) ne sont plus de simples prédictions théoriques : de nombreuses observations nous indiquent leur existence dans différents types de sources astrophysiques, en particulier les sursauts gamma. Les progrès des observations permettent une interprétation physique de plus en plus aboutie de ces phénomènes : ils offrent des conditions uniques pour visualiser la relativité (restreinte et générale) en action dans des phénomènes naturels.

3. Aspects complémentaires des sursauts gamma

L’analyse des sursauts gamma a permis de bâtir des modèles descriptifs de leurs éjectas et des ondes de choc qui en découlent, et les hypothèses de la relativité générale d’Einstein y sont naturellement testées et validées, dans des recherches et des découvertes extrêmement valorisantes pour les chercheurs.
Globalement, dix-huit ans après le début des mesures de distances des sources des sursauts gamma,

  • le scénario général de leur vie et de leur évolution est validé,
  • les trous noirs, déjà prévus par Einstein, sont progressivement validés, ainsi que le phénomène cataclysmique de coalescence (qui est le rapprochement continu puis fusion de deux étoiles).
    De plus, on a pu remonter de la distinction entre sursauts gamma courts (brefs) et longs à celle de leurs astres parents : les sursauts courts proviennent probablement de la coalescence d’étoiles à neutrons, et les longs sont issus de galaxies massives (encore en train de créer des étoiles).

4. Conclusion

D’une manière générale, les astrophysiciens étudient les sursauts gamma pour eux-mêmes, en raison de l’intérêt de ces sources exceptionnelles, et les utilisent également comme outils, par exemple comme tests pour la physique fondamentale (contraintes sur la violation de l’invariance de Lorentz prédite par certaines théories de gravitation quantique) ou pour explorer l’Univers lointain par spectroscopie et reconstituer la structure du milieu intergalactique et sa composition chimique.
Toutes ces ouvertures vers l’infiniment grand ont pu nous rappeler les pensées de Blaise Pascal, sur « Les deux infinis « , et « Le silence de ces espaces infinis m’effraie «, qui nous interpellent depuis nos jeunes années ; à coup sûr, elles ont visiblement captivé l’assistance, comme l’ont montré les longues salves d’applaudissements, les nombreuses questions posées ensuite à Frédéric, et ses échanges ultérieurs avec les élèves, où il a commenté le choix et le déroulement de ses orientations professionnelles et souligné toutes les utilisations passionnantes des autres sciences physiques (dynamique, cinétique, magnétisme….) en astrophysique.
L’astrophysique constitue le terrain de nombreuses nouvelles découvertes et validations d’hypothèses, qui seront des travaux hyper-stimulants : elle est un « Méga Far West scientifique, à quatre dimensions ! ».

Nous remercions tous vivement Frédéric Daigne de cette belle conférence !

Vincent BOURGERIE, Administrateur de l’Association des Anciens de Hoche

 
 
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